Fatigue au travail : pourquoi on est tous épuisés (même sans travailler plus)

Spoiler : ce n’est pas qu’une question de sommeil.

On dort à peu près autant qu’avant.
On travaille souvent moins d’heures qu’il y a vingt ans.
Et pourtant, une majorité de Français dit se sentir épuisée, drainée, à bout de souffle.

Selon une étude récente de l’IFOP, 67 % des salariés estiment manquer d’énergie au travail. Un chiffre record depuis la crise sanitaire.
La fatigue n’est plus seulement physique. Elle est devenue émotionnelle, cognitive, structurelle.
Et si on n’a jamais été aussi fatigués, c’est peut-être parce qu’on n’a jamais été aussi… sollicités.


🌪️ La fatigue moderne : un brouillard invisible

Il y a vingt ans, on parlait de “surmenage”.
Aujourd’hui, on parle de fatigue totale — celle qui ne se dissipe plus, même après un week-end ou des vacances.
Ce phénomène touche toutes les catégories professionnelles : cadres, ouvriers, enseignants, infirmiers, télétravailleurs.
Mais elle ne vient plus seulement du “trop de travail” : elle vient du trop de tout.

Trop d’informations

Chaque jour, un salarié est exposé à plus de 120 notifications (mails, messages internes, alertes, visios).
Notre cerveau, conçu pour traiter des signaux séquentiels, se retrouve noyé dans une tempête d’interruptions permanentes.
Résultat : perte de concentration, stress, fatigue cognitive.

📎 À lire aussi sur MondeDuTravail.fr : Burn-out numérique : quand tes outils t’épuisent plus que ton manager

Trop d’incertitudes

Après le Covid, les restructurations, les crises économiques et climatiques, les salariés vivent dans une zone grise permanente.
Le futur du travail semble flou, les repères bougent sans cesse : CDI fragiles, IA menaçante, inflation persistante.
Cette instabilité constante crée un fond d’anxiété chronique.
Le cerveau humain, lui, n’est pas fait pour ça. Il dépense une énergie colossale à essayer de “prévoir l’imprévisible”.


📱 La fatigue numérique : bosser, répondre, exister

Le télétravail et les outils digitaux ont bouleversé nos journées.
On peut aujourd’hui travailler partout… donc on travaille tout le temps.

Entre Teams, Slack, WhatsApp et les mails professionnels envoyés à 22 h, la frontière entre vie pro et perso s’est dissoute.
La “micro-connexion” permanente, celle qu’on pense anodine (“je réponds juste à un message”), épuise les ressources mentales.

Un rapport de l’INRS montre que le multitâche numérique réduit la performance de 40 % et augmente le niveau de stress perçu de 30 %.
Ajoute à ça les visioconférences à la chaîne, les interruptions, et tu obtiens une fatigue attentionnelle digne d’un marathon.

🔗 À lire aussi : Télétravail & solitude : comment rester connecté (même à distance)


💬 “Je n’arrive plus à décrocher”

Julie, 32 ans, chef de projet marketing, confie :

“Avant, quand je fermais mon ordi, ma journée était finie. Aujourd’hui, tout reste ouvert : les discussions, les idées, les notifications. Même quand je me repose, je pense à ce que j’ai oublié de répondre.”

Cette impossibilité de “déconnecter mentalement” est devenue une pathologie contemporaine.
Le droit à la déconnexion, pourtant inscrit dans le Code du travail depuis 2017, reste une fiction dans beaucoup d’entreprises.
Les managers eux-mêmes avouent se sentir piégés : “si je ne réponds pas, je passe pour absent”.


⚙️ Fatigue émotionnelle : quand l’humain devient un tampon

On parle souvent de burn-out pour les métiers de soin ou de contact.
Mais cette fatigue émotionnelle s’étend désormais à presque tous les emplois.

  • Les agents de service subissent la pression du client.
  • Les cadres intermédiaires absorbent celle de la direction.
  • Les enseignants, les soignants, les vendeurs, les managers RH… tout le monde “tamponne”.

Ce n’est plus seulement “faire son travail” : c’est gérer les émotions des autres — les clients mécontents, les collègues stressés, les supérieurs inaccessibles.
Et cela coûte cher psychiquement.

L’INRS parle désormais de “charge émotionnelle cumulée” : un type de fatigue aussi réel que musculaire.


🧠 L’illusion de la performance continue

Une autre raison de notre épuisement collectif : le culte du “toujours mieux”.
Nous vivons dans une société où la performance est devenue un mode de vie.
Même se reposer doit être “productif” : faire du yoga, lire un livre de développement personnel, suivre une masterclass.

Le travail s’est infiltré partout — dans nos conversations, nos feeds, nos notifications.
Le “travail invisible”, celui qu’on fait pour se maintenir à niveau (surveiller les tendances, se former, réseauter), n’est pas reconnu… mais il use autant qu’une journée de 10 heures.


🔄 La fatigue collective : un symptôme de système

On pourrait croire que c’est un problème individuel.
En réalité, c’est un symptôme systémique.

« La fatigue est devenue un indicateur social », explique la sociologue Dominique Méda.
« Elle traduit le décalage entre nos valeurs (autonomie, bien-être) et la réalité du travail. »

Notre société célèbre l’agilité, la créativité, l’innovation… mais en exigeant toujours plus, plus vite, plus longtemps.
Ce paradoxe crée une fatigue morale collective : un sentiment diffus d’usure face à un monde du travail qui ne ralentit jamais.


🌿 Revenir à l’essentiel : ralentir pour mieux travailler

Alors, que faire ?
La solution n’est pas forcément dans une “pause yoga” ou une “application bien-être”.
Elle passe par une rééducation du rapport au travail.

Quelques pistes concrètes :

  • Réapprendre à débrancher : pas seulement couper les notifications, mais accepter de ne pas être joignable.
  • Redonner du sens aux pauses : elles ne sont pas une perte de temps, mais un outil de performance durable.
  • Repens­er la charge mentale collective : moins de réunions, plus de priorisation, moins de reporting pour cocher des cases.
  • Revaloriser le repos : reconnaître que récupérer fait partie du travail.
  • Former les managers à la prévention des RPS : un levier essentiel du bien-être collectif.

🧭 À lire aussi : Les risques psychosociaux au travail : ce que tout salarié devrait savoir


🕯️ Et si la fatigue était un message ?

La fatigue, quand elle devient universelle, n’est plus un signe de faiblesse :
c’est un indicateur d’une société à bout de souffle.

Et si, plutôt que de chercher à “tenir”, on commençait à écouter ce que cette fatigue collective nous dit ?
Peut-être qu’elle nous rappelle une évidence :

Travailler n’est pas survivre.
Travailler, c’est aussi respirer.


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