Management toxique : la Cour de cassation parle enfin de faute grave

Pendant longtemps, le “management toxique” était un mot qu’on utilisait dans les couloirs des entreprises, rarement dans les tribunaux. Un terme un peu flou, souvent relégué au registre de la souffrance psychologique ou de la mauvaise ambiance.
Mais depuis le 6 mai 2025, la Cour de cassation a tranché : certaines méthodes managériales peuvent désormais être considérées comme une faute grave. Une évolution majeure du droit du travail français, qui place la santé mentale et le respect des salariés au cœur de la relation de travail.


⚖️ Un tournant historique : la justice reconnaît la toxicité comme une faute

L’arrêt n° 23-14.492 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation marque un avant et un après.
Dans cette affaire, un cadre supérieur avait été licencié pour des comportements jugés “dégradants, humiliants et répétés” envers ses collaborateurs.
Jusqu’ici, les tribunaux exigeaient souvent la preuve d’un harcèlement moral caractérisé pour prononcer une telle sanction. Mais la haute juridiction va plus loin :

“Des méthodes de management entraînant une souffrance au travail peuvent, à elles seules, constituer une faute grave, même en l’absence de harcèlement moral avéré.”

En clair : il n’est plus nécessaire de prouver une intention de nuire ou un harcèlement systématique. La manière de diriger, lorsqu’elle dégrade durablement les conditions de travail, peut suffire à engager la responsabilité du manager.


🧩 Ce que la Cour a observé : pression, humiliation et isolement

Dans l’affaire jugée, plusieurs éléments ont pesé lourd :

  • des reproches formulés publiquement,
  • des remarques dénigrantes répétées,
  • un climat de peur,
  • et une absence totale d’écoute.

Ces comportements, pourtant banalisés dans certaines entreprises, ont été requalifiés en faute grave.
Autrement dit : l’employeur pouvait licencier le manager sans préavis ni indemnité, car il avait rompu la confiance fondamentale entre lui et l’entreprise.

Ce jugement envoie un message clair :
👉 “Le management n’est pas au-dessus du droit du travail.”


💣 Quand le management devient toxique : un risque réel pour l’entreprise

L’impact d’un management toxique ne se limite pas à quelques plaintes internes.
Les conséquences peuvent être économiques, sociales et juridiques :

  • explosion du turn-over,
  • hausse des arrêts maladie,
  • dégradation du climat social,
  • perte de performance collective,
  • et désormais, risques de condamnation pour faute grave ou manquement à l’obligation de sécurité.

En vertu de l’article L.4121-1 du Code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
S’il tolère un management destructeur, il engage sa propre responsabilité — civile et parfois pénale.

💬 En clair : fermer les yeux sur un manager toxique n’est plus seulement un problème moral, c’est un risque juridique majeur.


🧠 Ce que change l’arrêt du 6 mai 2025

Avant cet arrêt, la frontière entre “exigence” et “toxicité” restait floue.
Désormais, la Cour de cassation établit une distinction essentielle :

  • Un management exigeant vise la performance, mais avec respect et communication.
  • Un management toxique détruit la confiance, isole et abîme les personnes.

Cette nuance ouvre la voie à une reconnaissance juridique de la souffrance managériale.
Les services RH devront désormais redoubler de vigilance : les témoignages, signaux faibles, audits internes ou alertes du CSE ne pourront plus être ignorés.


🏢 Et du côté des managers ?

Pour les managers eux-mêmes, cette décision doit être lue comme une invitation à se former.
Le management moderne n’est plus seulement une question de résultats : il repose sur des compétences relationnelles, d’écoute, et d’intelligence émotionnelle.
Les formations en communication non violente, en gestion du stress ou en leadership bienveillant ne sont plus des “soft skills” optionnelles — elles deviennent un bouclier juridique et humain.

“Ce n’est pas la pression qui est sanctionnée, mais la manière de l’exercer.”

Les bons managers savent poser des exigences sans humilier, recadrer sans briser, et corriger sans dominer.
Les autres prennent aujourd’hui le risque d’un licenciement sec pour faute grave.


🧭 Pour les entreprises : prévenir plutôt que guérir

Cette jurisprudence confirme la nécessité de bâtir une culture managériale saine.
Certaines organisations commencent déjà à intégrer dans leurs DUERP (Documents Uniques d’Évaluation des Risques Professionnels) une rubrique spécifique sur les risques psychosociaux liés au management.
D’autres mettent en place des cellules d’écoute, des enquêtes internes ou des formations de prévention.

Le message est clair :

mieux vaut investir dans la prévention que de subir un contentieux pour management toxique.


📚 Cas récents : quand le management toxique fait la une

L’affaire de Nutergia (Aveyron), pointée par des experts judiciaires pour “management agressif et climat d’insécurité psychologique”, ou celle de France Télévisions, où un rapport indépendant parle de “dérive managériale”, montrent que la justice et les médias s’emparent de plus en plus du sujet.

Le management toxique n’est plus un tabou interne : il devient un fait social et juridique majeur.


💬 Ce qu’il faut retenir

  • La Cour de cassation a posé un précédent fort : un management toxique = faute grave possible.
  • L’entreprise et le manager peuvent être sanctionnés, même sans harcèlement moral avéré.
  • Les RH doivent renforcer leurs procédures de signalement et de prévention.
  • La formation au management bienveillant devient un enjeu stratégique.

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❓FAQ : Management toxique et faute grave

🔸 Un management toxique peut-il justifier un licenciement sans harcèlement moral ?
Oui. Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 6 mai 2025, une simple méthode de management délétère peut suffire à justifier une faute grave.

🔸 Quelles preuves sont nécessaires ?
Témoignages, mails, échanges internes, constats médicaux, alertes du CSE ou du médecin du travail. La cohérence des récits compte autant que la preuve directe.

🔸 L’entreprise est-elle aussi responsable ?
Oui, car elle doit garantir la santé mentale de ses salariés (article L.4121-1 du Code du travail). Ne pas agir face à un management toxique engage sa responsabilité.

🔸 Comment se prémunir ?
Former les managers, instaurer des dispositifs d’écoute, intégrer les risques psychosociaux au DUERP et au PAPRIPACT, et faire vivre la prévention au quotidien.


🖋️ Conclusion
En 2025, le droit du travail entre dans une nouvelle ère : celle où la toxicité managériale n’est plus une fatalité, mais une faute reconnue et sanctionnée.
Un signal fort envoyé à toutes les entreprises : la performance durable passe d’abord par le respect humain.

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