un open space sans murs, mais pas sans pression
Il fut un temps où l’open space désignait des plateaux sans cloisons, bruyants et surpeuplés. En 2025, il est devenu invisible, digital, omniprésent. Grâce à Slack, Teams, Zoom, Meet ou Discord, le bureau s’est infiltré dans notre chambre, notre salon, nos vacances… et notre esprit.
Un à un, ces outils ont effacé les frontières entre « temps de travail » et « temps de pause », entre « présentiel » et « présence mentale ». Résultat ? Une fatigue sourde, difficile à nommer, mais bien réelle. Un épuisement qu’on ne ressent pas toujours physiquement, mais qui grignote la concentration, le sommeil, la motivation. Un burn-out numérique.
Le témoignage de Thomas : “Je me suis surpris à rêver de réunions Teams”
“Avant, mon stress s’arrêtait à la porte du bureau. Maintenant, il m’attend sur mon téléphone, à toute heure. J’ai mis du temps à comprendre pourquoi j’étais si fatigué… Et puis un jour, j’ai rêvé d’un Daily sur Teams. J’étais là, dans mon lit, en train d’imaginer mon manager me demander un point d’avancement. C’est là que j’ai compris que j’étais en train de saturer.”
— Thomas, chef de projet digital, 38 ans
Ce que Thomas décrit, c’est ce que vivent de nombreux salariés aujourd’hui : une forme d’usure cognitive silencieuse, liée à la sollicitation permanente. Pas de cris, pas de conflits, mais une tension de fond qui ne lâche jamais vraiment.
Des outils faits pour nous aider… devenus nos geôliers numériques
L’hyperconnexion en douce
Teams, Slack, Zoom promettent fluidité, efficacité, instantanéité. Et c’est vrai : ils permettent de collaborer à distance, de garder le lien, de partager des fichiers sans délai. Mais ils ouvrent aussi une porte… qu’on oublie souvent de refermer.
Les messageries instantanées, avec leurs icônes colorées et leurs petits « pop » sonores, agissent comme des appels permanents à la réactivité. On ne répond pas ? On culpabilise. On répond ? On interrompt sa tâche. On se reconnecte « vite fait » à 22h ? Et le cerveau, lui, reste en veille.
Une attention morcelée en permanence
Ce qui fatigue le plus, ce n’est pas le travail. C’est de naviguer entre dix outils en même temps. Slack pour les messages courts, Teams pour les réunions, Zoom pour les clients, WhatsApp pour les urgences, Trello ou Notion pour les tâches, et le mail… toujours là.
Résultat : le salarié moderne ne travaille plus sur un sujet à la fois. Il zappe, il lit, il répond, il reformule, il attend une réponse, il perd le fil… et recommence. Ce morcellement constant épuise la mémoire de travail, réduit la concentration et augmente le stress.
Le syndrome Zoom fatigue : la caméra qui brûle l’énergie
Les neurosciences ont tranché : une réunion Zoom fatigue plus que son équivalent en salle. Pourquoi ? Parce qu’il faut scruter les visages, interpréter les silences, garder un œil sur sa propre image… et souvent faire semblant de suivre, même si l’attention est ailleurs.
La Zoom fatigue, ce n’est pas une blague. C’est un phénomène bien documenté, accentué par :
- L’absence de pauses naturelles entre les réunions
- Le manque de contacts non verbaux authentiques
- Le multitâche compulsif pendant les visios (oui, on répond à un message Slack en écoutant)
Télétravail ou télépiège ? Quand la maison devient bureau
L’invasion discrète du pro dans le perso
Avant, il suffisait de fermer la porte du bureau pour rentrer chez soi. Aujourd’hui, le bureau est partout. Sur le canapé, dans la cuisine, dans le lit. Un petit regard sur Slack en faisant cuire les pâtes ? Un Teams en mode audio pendant la balade ? Un appel client depuis la chambre d’amis ? Tout cela semble banal. Mais cela use.
“Je n’arrivais plus à savoir quand ma journée commençait et quand elle finissait. Même quand je ne bossais pas, j’étais mentalement en mode alerte. Je ne me reposais jamais vraiment.”
— Thomas (suite du témoignage)
Le droit à la déconnexion… théorique
La loi existe. Le droit à la déconnexion est inscrit dans le Code du travail depuis 2017. Mais dans les faits, peu d’entreprises le font respecter. Et encore moins dans les petites structures. Ce flou alimente une pression insidieuse : celle d’être toujours disponible « juste au cas où ».
Le collectif invisible : ensemble… mais seuls
Slack n’a pas remplacé la machine à café. Zoom n’a pas remplacé le déjeuner d’équipe. Teams n’a pas remplacé les regards complices. Dans l’open space numérique, le lien social s’étiole. On se parle, mais on ne se voit pas. On s’écrit, mais on ne se touche pas.
Cette distance émotionnelle rend difficile la détection du mal-être. Dans un bureau, on remarque un collègue qui ne va pas bien. En visio, on ne voit qu’un carré souriant. Le burn-out numérique est donc plus difficile à repérer… et à prévenir.
Comment reprendre le contrôle ? Des pistes concrètes
✋ Repenser l’usage des outils
- Fixer des horaires d’utilisation pour les messageries
- Créer des journées sans visio (No Meeting Days)
- Encourager l’asynchrone (messages différés, enregistrements)
- Sensibiliser les managers aux risques d’hyperconnexion
💬 Restaurer du lien humain
- Organiser des moments informels, même en visio
- Revenir en présentiel ponctuellement pour renforcer l’équipe
- Créer des espaces de parole sur la charge mentale
🛠️ S’auto-discipliner
- Couper les notifications non urgentes
- Éteindre l’ordinateur à heure fixe
- Se réserver de vrais temps « off », sans écran
Bonus : les bons réflexes de Thomas pour s’en sortir
✅ “Je n’ai plus Slack sur mon téléphone”
✅ “J’ai instauré un créneau fixe pour consulter mes messages”
✅ “J’ai demandé à mon manager d’éviter les visios après 16h”
✅ “J’ai osé dire que j’étais fatigué. Et il m’a écouté.”
Ressources utiles pour prévenir l’épuisement numérique
- 🔗 Droit à la déconnexion : cadre légal sur travail-emploi.gouv.fr
- 🔗 L’étude « Technostress et burn-out » – INRS (en Anglais)
- 🔗 Forum de discussion sur le travail numérique
- 🔗 Droit à la déconnexion : Guide complet pour l’appliquer efficacement
- 🔗 Télétravail sans stress : Comment fixer des limites et éviter le burnout ?
Reconnecter avec soi-même
L’open space numérique n’a ni murs, ni horaires, ni badge d’entrée. Il s’infiltre dans nos vies sans prévenir. Et s’il peut faciliter la collaboration, il peut aussi grignoter notre santé mentale.
Prévenir le burn-out numérique, c’est réapprendre à dire stop, à poser des limites, à ne pas confondre réactivité et performance. C’est aussi accepter que la productivité n’a pas besoin de 12 canaux ouverts. Mais d’un esprit reposé, concentré, et libre.